Elegies à celles qui pleurent

Vous surtout que je plains si vous n' êtes chéries,
vous surtout qui souffrez, je vous prends pour mes soeurs :
c' est à vous qu' elles vont, mes lentes rêveries,
et de mes pleurs chantés les amères douceurs.
Prisonnière en ce livre une âme est contenue.
Ouvrez, lisez : comptez les jours que j' ai soufferts.
Pleureuses de ce monde où je passe inconnue,
rêvez sur cette cendre et trempez-y vos fers.
Chantez ! Un chant de femme attendrit la souffrance.
Aimez ! Plus que l' amour la haine fait souffrir.
Donnez ! La charité relève l' espérance :
tant que l' on peut donner on ne veut pas mourir !
Si vous n' avez le temps d' écrire aussi vos larmes,
laissez-les de vos yeux descendre sur ces vers.
Absoudre, c' est prier. Prier, ce sont nos armes.
Absolvez de mon sort les feuillets entr' ouverts !
Pour livrer sa pensée au vent de la parole,
s' il faut avoir perdu quelque peu sa raison,
qui donne son secret est plus tendre que folle :
méprise-t-on l' oiseau qui répand sa chanson ?

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)

Commentaires

ce mois ci... vous avez beauocu lu