Qui s'attache, n'est pas bienveillant.

Qui s'attache, n'est pas bienveillant.
Qui choisît le moment, n'est pas sage.
Qui ne sait que pertes et profits sont corrélatifs,
N'est pas un homme de bien.
Qui agît par renom et se perd,
N'est pas un gentilhomme

Zhuangzi, TaoismeZhuangzi, chap.V, traduction par Isabelle Robinet

Commentaires

cat a dit…
Les Annales Historiques [shi ji] ne disent que peu de choses sur la vie de Zhuangzi, cofondateur présumé du taoisme. On sait que son nom de famille était Zhuang et son prénom Zhou, son pseudonyme ("courtesy name") était Zixiu. Il était originaire des Song (petite province dans l'actuelle Henan) où il eut une charge d'érudit dans la région de Meng durant la période des Royaumes Combattants. A la lisière du pays de Chu et de sa culture florissante, l'état de Song était gouverné par le tyran Yan. Ce décor eut sans doute de l'importance sur la philosophie de Zhuangzi et sur sa carrière.

D'humble extraction, il fut d'abord "surintendant" [xiao shi] du jardin d'arbres à laque (un rôle de surveillant), puis refusa à plusieurs reprises une charge officielle, même quand le Seigneur Wei de Chu lui offrit mille pièces d'or pour devenir son Premier Ministre. Il vécut dans la pauvreté une vie de reclus, et gagna sa vie en tressant des sandales de paille. Il se mêla aux fermiers, aux pêcheurs, aux bûcherons, aux ermites et aux handicapés qui lui inspirèrent sans aucun doute ses histoires distillant son idéologie iconoclaste. C'est dans ce contexte difficile qu'il se résolut à chercher sa liberté spirituelle, malingre et habillé de hâillons, faisant le tour des Etats. On dit qu'il enseigna à son village à la fin de sa vie où il écrivit son recueil connu sous le nom de Zhuangzi.

Les concepts clé de Zhuangzi sont : "le Dao à l'origine de toute chose" [yi dao wei ben], "unité des dix-mille choses" [wan wu ji yi], "non-agir face à la nature" [zi ran wu wei], "errer libre de toute contrainte" [xiao yao er you]. C'est une philosophie proche de celle de Laozi, mais où le concept de "libre errance" fait toute la différence.
Tandis que Laozi prônait une conduite simple en participant pleinement au monde public, Zhuangzi n'offre aucun compromis politique. Son intégrité repose sur le refus de se laisser emprisonner dans des charges publiques qui, même flatteuse, auraient fait de lui "une tortue sacrée morte depuis longtemps et gardée dans une boîte de bambou" alors qu'il souhaitait "rester en vie et traîner sa queue dans la boue".
Zhuangzi était un iconoclaste, peut être le plus grand que la Chine, ait pu produire. Il n'était pas amateur d'excès, seulement de liberté et de paix, en se moquant des jugements discriminatoires. Il n'attachait pas plus d'importance à la vie qu'à la mort, au bonheur qu'au malheur, et naviguait librement au fil des événements sans s'y attacher.
Quand sa femme mourut, ses disciples le surprirent accroupi sur le sol en chantant et en battant la mesure sur une bol retourné. Lui même mourant, il refusa les préparatifs pompeux de ses disciples et voulut avoir "le ciel et la terre comme cercueil, le soleil et la lune comme anneaux, les étoiles comme diamant," l'univers entier serait enterré avec lui.

Son récit est tour à tour romanesque, poétique, réaliste, précis, fabuleux, humoristique,, autant d'outils pour servir de support à son imagination débordante. En conséquence, il est évidemment particulièrement difficle à traduire.

Oublié pendant des siècles, son oeuvre refait surface sous les Tang.

ce mois ci... vous avez beauocu lu