Autour du lac





Autour du lac, la vie éclatait silencieusement, dynamisme immobile des bourgeons, et déjà les feuilles des marronniers, ces mains retournées qui doucement se redressent, dans un geste de danseuse hindoue. [...]. Chaque printemps est une parabole…
Certes, comment ne pas le sentir de plus en plus. Le temps est passé du dialogue facile, superficiel, trop affectif, tenté par le syncrétisme. Le temps est plutôt à la reconquête des identités. Les risques alors sont multiples, c’est d’abord la tentation de se définir contre, en accentuant les données les plus négatives de l’histoire mais sans doute, faut-il les rappeler franchement pour provoquer ce qu’on appelle en psychanalyse une ab-réaction.
Les blocages historiques suscitent le retrait. On ne voit plus l’autre que selon des stéréotypes disqualifiants, on ne l’écoute qu’à travers un permanent procès d’intention. Pèse alors très lourd le politique avec son entremêlement d’agressivité, de peur, de volonté de puissance. Et le politique, implicite, risque d’idéologiser le spirituel, le souffle originel, la relation de l’âme et de l’absolu.
Cette reconquête des identités est cependant indispensable au vrai dialogue. Il faut être soi-même pour partager.
Il faut avoir choisi pour dépasser la tentation de l’errance, de la perplexité égarée, de la confusion.
Le respect de l’autre ne va pas sans clarté de soi.

Alors se précise les disciplines d’un dialogue renouvelé. D’abord dépasser les a-priori, et tenter de connaître l’autre comme il se ressent, comme il souhaite être connu, de sorte que, peut-être, il tentera de me connaître de même. Connaissance qui va des textes aux visages, à l’amitié.
En second lieu, chercher au-delà de l’idéologie et même de l’objectivation religieuse (qu’il faut respecter mais comprendre à même la vie) oui, chercher le noyau, le germe de feu. Et ce germe, ce non-dit rayonnant, s’exprime aussi bien dans la plus haute expérience mystique que dans les gestes courants d’accueil, d’entraide, de bonté désintéressée.
Les grands spirituels et les pauvres (du moins lorsque ceux si ne sont pas entraînés par de vastes courants d’agressivité collective) sont ceux qui se comprennent le mieux. Les docteurs de la loi, c‘est autre chose.
Il faudrait devenir comme ces voyageurs de l’Islam médiéval, dont le regard à la fois vierge et sagace (décelant l’humain trop humain) savait s’étonner, s’émerveiller.
En troisième lieu, il importe de ne pas renoncer au témoignage, mais que ce soit d’abord celui de la vie et donc de la communication, que l’exemple insolite suggère, de ses propres raisons de vivre, de moins mal aimer, de moins mal mourir. Lorsqu’on cerne des différences qui semblent irréductibles, ne pas les transformer en lieux de guerre (de disqualification, de mépris) mais en lieu de prière et d’offrande. [...] Puisse donc la prière, quand nous ne savons plus, remplacer la violence…

Olivier Clément in Anachronismes

Commentaires

ce mois ci... vous avez beauocu lu